• En toute simplicité ... [PV : Andrew & Anna]

[Samedi 28 février, midi]

Anna marchait devant, elle l'avait invité à la suivre d'un simple mouvement de la main. Inconsciemment, elle guettait la présence de ses sœurs. Elle avait plus ou moins entendu parlé de la confrontation qui avait eu lieu avec Taylor, elle ne savait en revanche pas si lui et Heaven avaient fait connaissance.

- Connaissez-vous ma sœur Heaven ?

Demanda-t-elle, d'un air qui se voulait désintéressé. Il lui arrivait d'être une piètre comédienne, ainsi elle croisa la doigts pour que sa question parut aussi normale pour le vétérinaire qu'elle le souhaitait. Elle savait manipuler les gens. Il lui arrivait de manipuler les gens. Parfois. Après tout, la vie n'avait jamais été tendre avec elle, les gens non plus. Alors pourquoi l'être en retour ? Oui, c'était parfois cette amertume qui envahissait Anna. Amertume qui ne l'a quittait jamais vraiment, disons plutôt qu'elle guettait, cachée sous son enthousiasme, attendant le moment opportun pour ressurgir. Pour l'envahir, la submerger de rage. Envers le monde entier. Non, Anna n'était pas toujours l'ange qu'on lui connaissait. Parfois, la vie était trop dure, trop injuste. Parfois, relativiser était trop difficile, trop douloureux. Souvent, elle avait besoin de laisser éclater sa tristesse, d'ouvrir les vannes. Puis, une fois à sec, elle repartait. Toujours plus souriante, plus enthousiaste, plus positive. Anna était quelqu'un de bien, mais il lui arrivait de manipuler les gens.
Cependant, avec Andrew, elle ne parvenait à dissimuler sa vraie nature, ses vraies émotions. Sans doute ne voyait-elle pas l'utilité de se déguiser, surement ne voulait-elle pas s'en faire un ennemi. Quoi qu'il en soit, elle avait prononcé cette phrase avec le plus de détachement possible, et sans doute, oui, peut-être que cela marcherait. Et puis, si toutefois le vétérinaire découvrait le subterfuge, ce n'était pas si grave. Ce n'était qu'une simple phrase, pas très lourde de conséquences.

Ils avaient marché vite, aussi étaient-ils arrivés rapidement à la cuisine. Cuisine high-tech, où le bois et l'aluminium se mariait dans une harmonie reposante. Thomas, le cuisinier français qu'avait engagé Taylor, s'affairait devant le repas qu'avait commandé les trois soeurs. Avec une pointe de culpabilité et de désolement devant le travail fourni par le jeune homme prometteur, Anna s'avança vers le plan de travail.

- Thomas, excusez-moi de vous prévenir si tard mais je ne déjeunerai pas avec mes deux soeurs ce midi. Mais elles mangeront ma part, rassurez-vous.

Andrew suivit tranquillement Anna, jusque dans la cuisine. Il connaissait la maison, mais il n'avait plus aucun repère, depuis que tout avait changé. Il se souvint d'un changement minuscule qu'avait effectué Laura peu de temps avant son départ, elle avait repeint la porte de la cuisine, et en même temps effacé quelques mots inscrits dessus, se qui avait enclenché une dispute.
Il jeta un oeil vers cette porte en question, et vers le mur, où normalement restait encore des mots. Non, tout avait disparus. Le jeune homme soupira, et suivit une fois de plus Anna, comme un petit chien suivrait son maître.

Une fois bien entrés dans la cuisine, Anna posa une question au vétérinaire. Non, il ne connaissait pas Heaven, et il ne savait pas si il avait vraiment envie de la connaitre. Était elle comme Taylor ? il n'en savait rien.

Ensuite, Anna s'adressa au cuisinier et elle lui annonça qu'elle ne mangerait pas avec ses soeurs. Andrew le salua d'un bref signe de la tête, avant de suivre une fois de plus Anna. Bien qu'elle soit plus gentille que Taylor, Andrew ne l'aimait pas vraiment. Elle et ses soeurs n'était que la goutte d'eau qui faisait déborder le vase, car en rachetant le ranch, elles ramenaient de mauvais souvenir au jeune homme. Lui seul et Laura les connaissaient ses souvenirs, en autres liés au fait qu'il ne montait plus à cheval ... Mais tout sa était du passé, rien ni personne ne lui ferait avouer pourquoi il avait arrêté.

Se réfugier dans le passé. Encore, toujours. C'est tellement plus simple, plus reposant. Les dés sont déjà jetés, les cartes déjà jouées. Revoir des scènes heureuses, des moments forts de nos vies, chargés d'émotions. On a tous ris, pleurés, criés, dansés. On a tous nos moments de bonheur pur, que l'on aime se resservir, de temps à autre. Fermer les yeux, inspirer, expirer calmement, doucement. Pourquoi pas une petite musique dans le fond ? Que voyez-vous ?
Que voit Anna ? Anna voit sa mère, magnifique, majestueuse. Le contact rassurant de ses doigts fins et longs sur sa joue. Son sourire fin, qui dévoile si élégamment ses dents blanches. Ses boucles blondes volant au vent, éclairé par le soleil derrière elle. Sa voix douce, long flot de paroles qu'Anna n'a jamais eu le temps d'entendre.
Puis, plus rien. Le vide. Encore le vide, toujours le vide. Le revers de cette injection de bonheur : la sensation de manque. Les mains qui tremblent, les yeux qui piquent, cette boule dans la gorge, étouffante, angoissante. La voix s'éteint, la chaleur de la peau de sa mère s'efface peu à peu. Anna est seule, Anna a toujours été seule.
Le danger, c'est de s'accrocher au passé. Passé rassurant qui ne changera jamais. L'Homme a peur du nouveau. L'Homme, d'une façon générale, ne supporte pas les changements.
Andrew était un Homme. Anna aussi.
Elle aurait pu le comprendre mieux que quiconque ... si elle savait. Non, elle ignorait tout de la blessure profonde du jeune homme, elle ne put donc pas s'empêcher d'être vêxée par son air renfrogné. A quoi bon faire des efforts si les gens étaient bornés à ce point ? Il croyait quoi ? Qu'Anna gérait son malaise rien qu'en souriant un peu ?
Sous la table, elle serra les poings. Fendant son visage d'un sourire mensonger à l'encontre du vétérinaire, elle lui demanda, d'un ton poli, aussi distant que l'était l'Homme qui lui faisait face.

- Vous voulez-un sandwich à quoi ?

* S'il ne se met pas à l'aise, je lui en propose un au caviar !*

Pensa-t-elle, mi-amusée, mi-furieuse.

Le ton d'Anna se refroidit. Mais pourquoi ? Parce que le vétérinaire n'aimait pas le fait que ses souvenirs soit effacés ? S'était son problème. et qu'importait le goût du sandwich, du moment qu'il mangeait, et qu'il repartirait vite.
Son sourire s'effaça, et il s'assit.

Et s'il avait dit : " N'importe" ? Non, elle l'aurait pris pour quelqu'un qui ne sait pas se décider, se qui était son contraire. Quand il prenait des décisions, il les prenait, et personnes n'avait jamais opposé son avis, que se soit dans ses diagnostics ou bien dans autre chose.

Il releva la tête, et regarda de sa chaise par la fenêtre. Le temps n'était pas au plus beau, mais il n'y avait pas de nuage gris à l'horizon, juste une fine brise de vent qui venait faire danser les branches non-solides des arbres. S'était un paysage magnifique. Oui vraiment, et malgré tout les changement effectués, Andrew savait qu'Heartland, sa resterait Heartland, quoi qu'il arrive, il se l'était promis.

Crever l'abset. Voila ce qui trottait dans la tête de la jeune femme.Oui, Anna ne comptait pas supporter la mine renfrognée du jeune homme tout le temps. Ils allaient devoir travailler ensemble, et tout avait si bien commencé au début ... Il aurait été si simple de lancer le sujet, de se disputer une bonne fois pour toute, tout en espérant que ça remette les choses au point. Oui, si simple ... Et pourtant, Anna n'avait pas envie de se disputer, avec quiconque. A quoi bon après tout ? Peut-être allait-il finir par accepter la réalité, que les trois Sanders n'étaient pas les grands méchants loups, qu'elles aussi, voulaient du bien à l'espèce équine. Anna tout du moins. Qu'il haïsse sa sœur, elle pouvait le comprendre. Taylor se montrait si ... repoussante et attirante à la fois au premier abord, de quoi en désarçonner plus d'un. Mais qu'il n'aime pas Anna, alors qu'elle faisait des efforts désespérés pour s'intégrer, non elle ne le comprenait pas. Comment pouvait-il avoir tant d'aprioris ? Pourquoi ne pas leur donner leurs chances ?

Sa main tremblait sous l'effet de la colère, et elle s'appliquait à le cacher en nouant ses doigts les uns avec les autres très forts. Elle se mordait la lèvre, tentant de retenir la question qui les lui brulait "Pourquoi nous détestez-vous ?". Ce n'était qu'une phrase, c'était simple ... Mais elle ne voulait pas, elle n'osait pas. S'il devait s'expliquer, c'était avec les trois soeurs en même temps. Il fallait qu'elle pense à autre chose. Il fallait qu'elle se calme. Elle ouvrit le frigo et en sortit beurre et jambon. Elle prit un couteau, du pain. Elle se concentrait sur ses gestes, s'appliquant, ne laissant pas la colère la détourner de ses ac ...

- Aïe !

Trop tard, la malchance l'avait rattrapé. Elle s'était ouvert le doigt avec le couteau. Sa main tremblait trop, la lame avait ripé. Elle se dépêcha de mettre la plaie sous l'eau avec de mieux en constater la profondeur.

Andrew remarqua qu'Anna était sous l'effet de la colère, et il s'apprêta à partir, lorsque la jeune femme se coupa. Bien que le vétérinaire n'était qu'un égoïste mec, il ne supportait pas de voir un animal ou une personne , telle qu'elle soit, se faire mal.
Il couru jusqu'à sa camionnette, attrapa dans son vide poche une compresse et un spray, pour humain.
Il retourna en vitesse dans la maison, et saisit le doigt d'Anna.

Il éjecta le bouchon du spray, et en mit sur le doigt de la jeune femme, avant d'y mettre la compresse, et de saisir le tout avec du scotch.
Il regarda son "oeuvre", et sourit. Il n'avait pas vraiment l'habitude de soigner des humains, et il trouvait son pansements plutôt pas mal.

Il se sentit très gêné, il venait de tutoyer sa boss. Il regarda le sandwich, et soupira.
Il n'allait pas rester, il fallait qu'il retourne voir d'autre chevaux.

Il lui sourit, compatissant, et se dirigea vers la porte, afin de prendre congé.

Tout s'était passé très vite. Anna n'avait pas eu le temps de penser : Andrew l'avait fait pour elle. Elle supportait mal la vue du sang, et s'était vite sentie nauséeuse. Mais pourtant, Andrew avait rapidement pansé la plaie et installé un bandage. Sans trop y prêter attention, Anna l'avait regardé agir. Si elle avait été concentrée, elle aurait pu admirer ses gestes experts, témoins d'une longue pratique -même si ce n'était que sur les animaux.
Anna était entrain de le contempler d'un air incrédule lorsqu'il la tutoya. Elle écarquilla les yeux, pas choquée mais plutôt surprise, ouvrit la bouche pour émettre un son qui, malheureusement, resta bloqué dans le fond de sa gorge. Pourquoi si peu d'assurance tout d'un coup ? Etait-ce la vue du sang ? Sans doute ... Quoi qu'il en soit, Anna n'avait pas encore recouvrée toutes ses capacités intellectuelles et c'est sans doute pour cette raison, alors qu'il s'apprêtait à partir, que contre toutes attentes et se décida à lancer le sujet.

- Pourquoi vous ne nous aimez pas ?

La question avait fusée, rapide, piquante, efficace. Elle en surprit même son émméteur. Elle passa nerveusement sa main valide dans ses cheveux en soupirant. Elle était usée, fatiguée de faire semblant. Mais elle le serait encore plus si elle devait se disputer avec son véto. Il fallait qu'elle joue finement cette partie, il fallait qu'elle parvienne à un terrain d'entente sans trop de dégâts.

- Non pas que je veuille qu'on se fâche. Regardez ce que ça donne lorsque je me mets en colère.

Elle montra son doigt bandé, comme pour justifier son propos. Elle osa même une bref sourire, pâle, timide.

- Je ... je voudrai juste comprendre.

[ Désolé du retard ]

Question vraiment piquante, oui. Non pas qu'il ne les aimait pas, mais surement qu'il les prenait en cause du départ de Laura. De l'élément qui avait faire qu'elle s'était décidée, qui l'avait convaincue qu'elle n'était pas la seule à pouvoir diriger le ranch. Andrew avait tout essayer, jusqu'à même crever ses pneus, et cacher son billet d'avion. Andrew tenait beaucoup à cette jeune femme, mais si jamais il la recroisait, comment réagirait t'il ? Bonne question ! Il avait été vexé, et maintenant, sa colère se portait sur ses jeunes femmes, innocentes . Seulement, comment expliquer tout cela à Anna ? Bonne question ! Il soupira, et avec le ton le plus neutre qu'il put avoir, il lui répondit.

Un sourire plus ou moins compatissant s'installa sur ses lèvres roses, et il prit sa veste se trouvant sur une des chaises.
Il se retourna vers Anna.

Il se dirigea vers la porte, mit sa veste en jean sur son dos, et délicatement, il ouvrit la grande porte en bois, toute rénovée.

Sur ces mots, il sortit, et se dirigea vers sa vieille camionnette. Il ouvrit la porte, mais cette fois si brusquement. Il attendit cinq bonne minutes à réfléchir, avant de mettre le contact.

» - Chambre d'Anna Sanders -
» Andrew Crawford